Bénédicte Delelis : dans la librairie

<p>Chroniqueuse chez <em>Famille Chrétienne</em>, Bénédicte Delelis est enseignante au <strong><a href=https://www.collegedesbernardins.fr/ target=_blank>collège des Bernardins</a></strong> et auteur.</p>

Chroniqueuse chez Famille Chrétienne, Bénédicte Delelis est enseignante au collège des Bernardins et auteur.

- C.NIESZAWER-LEEXTRA POUR FC

J'eus la joyeuse occasion, il y a quelque temps, de faire un petit brin de causette avec une libraire. Son mari et elle tenaient une Procure dans un centreville de province. «Un très joli métier», admirai-je. «Oh oui!, me dit la dame, mais pas simple! Il faut lutter contre la concurrence d’Amazon, et tenir une librairie religieuse est une gageure dans notre contexte moins christianisé.» «Mon mari est diacre, poursuivit-elle. Ainsi, je vois notre métier comme une mission. Des gens entrent dans la boutique, ils cherchent un livre sur le deuil, la consolation, l’espérance, ils pleurent, ils se confient… C’est un ministère du seuil. Aller à l’église, c’est quelquefois une marche trop haute à franchir pour ceux qui se sentent éloignés, mais dans la librairie, ils osent entrer.» Évidemment, à l’écouter, j’avais immédiatement envie de tout plaquer pour monter une librairie près d’une église. Extraordinaire ! Pouvoir être un seuil vers la maison de Dieu ouverte à tous, offrir un premier visage de l’Église, un premier accueil : quelle belle vie ! Et j’écoutais cette femme parler de l’expérience du ministère diaconal de son époux.

« On ne peut pas être diacre si l’on n’est pas humble »

Ce que je comprenais, en l’entendant, c’est la souplesse intérieure que requiert cet appel. En fonction du curé, la charge change, on prêche, ou bien pendant des années l’on ne prêche plus, la liturgie est d’une certaine façon, ou bien d’une autre, et il faut sans cesse s’adapter. «Cela n’est pas difficile pour votre mari ?», demandai-je. «Oh non, me répondit cette femme. Il est si humble !» Et elle ajouta après un silence : «On ne peut pas être diacre si l’on n’est pas humble.»

Je fus extrêmement impressionnée. J’y repensai longuement ensuite. Au fond, pourquoi y a-t-il sept sacrements ? L’une des raisons n’est-elle pas que la richesse du Christ est tellement inépuisable que l’Église nous donne sept moyens variés pour nous y conformer ? Chaque sacrement nous unit, nous configure à un aspect du Christ… Le baptême et la confirmation nous plongent dans sa mort et sa Résurrection, la pénitence nous renouvelle par sa miséricorde, le sacrement des malades nous fait participer à ses souffrances salvifiques, l’Eucharistie à la plénitude de sa charité, le mariage à cet amour fidèle qui livre jusqu’à son corps, l’ordre configure certains au sacerdoce du Christ…

La dernière des dernières places 

Mais l’humilité de Jésus, qui allait bien vouloir en être le signe dans l’Église ? Ne fallait-il pas qu’il y ait des personnes qui donnent leur vie pour être, tout simplement, le visage du Christ humble ? Du Christ enfant, qu’on prend, qu’on pose, du Christ pain qu’on range, qu’on rompt, qu’on mange… Cette humilité saisissante de Jésus, il faut absolument que les gens la devinent, qu’ils puissent l’apercevoir… Sinon, ils ne comprendront pas qui Il est : le dernier de tous, Celui qui se tait quand on Le gifle, qui s’agenouille pour laver des pieds noircis, avec des oignons et des ongles cassés. Alors, dans l’Église, il y a les diacres; et on leur demande souvent à quoi ils servent… Ils sont le choix du Christ de la dernière place, de la dernière des dernières places. Ils ont la vocation de raconter la gratuité d’amour du Christ et son extrême petitesse. S’ils embrassent véritablement Jésus humble et brûlant d’amour, alors, des milliers autour d’eux se convertiront. Et ils seront ce seuil que l’on foule afin d’entrer dans la maison de Dieu.