« L’Heure de la justice de Dieu », « Que la Croix demeure ! » : les livres coups de cœur de la rédaction

<p>Détail de <em>Suzanne et les vieillards</em>, 1570, par Véronèse, Fondation Carige, Gênes.</p>

Détail de Suzanne et les vieillards, 1570, par Véronèse, Fondation Carige, Gênes.

- LUISA RICCIARINI -OPALE

Spiritualité
Suzanne ou la justice de Dieu

La Bible offre de nombreux exemples de justes qui, malgré les épreuves, demeurent fidèles à l’Éternel. Dans le récit attribué au prophète Daniel (chapitre 13), le juste a les traits d’une femme, la sublime et chaste Suzanne. L’histoire est plus ou moins connue : épiée puis agressée par deux notables qui la calomnient et la condamnent à mort, l’innocente Suzanne se voit abandonnée de tous, à commencer par son cercle familial, ne trouvant de recours qu’en Dieu seul. S’il offre de multiples résonances contemporaines (le corps de la femme convoité, les abus en tous genres, le pouvoir de la rumeur, l’intégrité du juste mis à mal par les jalousies et les phénomènes de meute, l’aléatoire justice des hommes face à l’éclatante justice divine), cet apologue, destiné à affermir la foi du peuple juif au IIe siècle avant Jésus-Christ, nous échappe en partie. Révélant sa portée mystique plus cachée, l’éclairage qu’en donne Jacqueline Kelen est passionnant. « La femme au nom de fleurs hantera encore longtemps le regard des hommes et des peintres se grisant de nudité féminine, l’épiant longuement, sans savoir au juste ce qu’ils cherchent, ce qui leur manque tant. Car elle est la beauté imprenable. » L’image même de l’âme, qui n’appartient qu’à Dieu. 

heartL’Heure de la justice de Dieu par Jacqueline Kelen, Salvator, 164 p., 16,90 €.

(Diane Gautret)

Essai
smileyÉcologie tragique par Fabrice Hadjadj, Mame, 208 p., 17,95 €.

Si l’écologie est un sujet tragique, c’est déjà par les disputes et les contresens qu’elle suscite. Prenant le taureau par les cornes, Fabrice Hadjadj se jette dans l’arène, là où peu d’essayistes ont déjà mis les pieds. Oui, l’écologie est tragique parce que la fameuse nature, qu’il faudrait à tout prix conserver dans un état idéal fantasmé, après avoir tout fait pour la détrousser, est en elle-même une bombe à retardement que la disparition de l’homo-pollueur ne saurait désamorcer. Il convoque la Bible et les philosophes, Darwin, Picasso et les pythagoriciens, mille anecdotes sur la cruauté des mœurs animales et un petit détour par le péché originel. Remettant ensemble l’homme et le cosmos dans l’orbite du Salut, où l’on accouche toujours dans la douleur, il dessine une ébouriffante « métaphysique de la vie comme offrande »

(Clotilde Hamon)

Essai
smileyLe Christianisme au défi des nouvelles spiritualités par Adrien Bouhours, Artège, 240 p., 17,90 €.

La montée de l’islam, l’athéisme et l’inculture religieuse ne sont pas les seuls défis auxquels le christianisme se trouve aujourd’hui confronté. En quelques décennies, une société syncrétiste et individualiste a supplanté la vieille société organique et chrétienne. Parce qu’elle flatte l’ego et propose d’adhérer à une forme de gnose philo-compatible avec l’écologisme, le mondialisme et le sentimentalisme plutôt qu’à un corpus doctrinal et moral nécessitant par ailleurs un engagement ecclésial, « la nouvelle spiritualité » se répand comme traînée de poudre dans « l’enfer tiède » de notre temps. Mais ce « nouvel âge » plongeant ses racines dans l’ésotérisme est-il à la hauteur de ses promesses de bonheur ? L’analyse fouillée et particulièrement précieuse de l’universitaire Adrien Bouhours.

(Diane Gautret)

Récit 
smileyTête en l’air et pieds sur terrepar Noëlle Bréham, Salamandre, 128 p., 19 €.

Des sentiers forestiers de son enfance en Sologne aux chemins côtiers de Bretagne, entre ciel et mer, du cœur de Paris aux confins du Cotentin, dans le jardin de l’émission « Silence, ça pousse ! », l’animatrice de radio et de télévision, Noëlle Bréham, nous ouvre la porte de son univers et évoque, à son tour, tous les bienfaits de la marche dans le cadre d’une petite collection très réussie des éditions Salamandre dédiée à la nature. Un voyage dans ses souvenirs, autant que sur les sentiers de traverse, qui est également une invitation à la lenteur et à la contemplation. Un joli petit livre plein d’anecdotes et d’observations émerveillées qui stimule « l’audace d’avancer sur son chemin de vie ».

(Diane Gautret)

Récit
heartQue la Croix demeure ! par Alexandre Caillé, Salvator, 220 p., 18,90 €.

Alexandre Caillé n’imaginait sûrement pas, il y a quelques années, dresser cinq croix en terre d’Irlande avec SOS Calvaires. « La Croix est la preuve de l’amour de Dieu pour les hommes », écrit le directeur général de cette association qui entend remettre la croix au milieu du village. Il y a deux ans, Alexandre Caillé délaissait sa vie de jeune investisseur pour restaurer des calvaires partout en France, afin d’étancher cette « soif de transcendance et de concret » qui anime tout homme. Du Mont-Saint-Michel au Portugal, en passant par les pentes escarpées de la Haute-Savoie ou l’Indre, l’auteur nous emmène dans ces poses de croix épiques et ferventes qui ont jalonné l’histoire de l’association.

(Louis de La Houplière) 

Essai
smileyLibre réponse à Michel Onfray par Matthieu Lavagna, Artège, 264 p., 18,90 €.

Faut-il répondre à Michel Onfray ? Oui, affirme Matthieu Lavagna, jeune philosophe et théologien. On ne peut pas laisser, sans réagir, un polémiste aussi médiatique dire que Jésus est un mythe, « une fiction sur laquelle s’est construite la civilisation judéo-chrétienne », alors que tous les historiens sérieux reconnaissent son existence; on ne peut pas le laisser écrire que Nazareth n’existait pas il y a deux mille ans, quand tous les archéologues affirment le contraire ; on ne peut pas le laisser accuser l’Église de tous les maux, détestation du corps, du savoir, de l’intelligence, quand toute son histoire prouve l’inverse. Matthieu Lavagna démonte, point par point, ces élucubrations, d’une manière à la fois vigoureuse et argumentée.

(Charles-Henri d'Andigné)